Voilà que le maire UMP d’Egletons s’avise d’entraîner sa commune dans un hommage à Charles Spinasse, un kollaborateur pétainiste notoire !
Les anciens résistants, se rappelant leurs revendications, leurs valeurs, le CNR et son programme, ont été unanimes à ressentir le scandale : en quelques jours, avec des citoyens plus jeunes, mais qui défendent les mêmes valeurs et portent les mêmes revendications, ils ont protesté, puis contre-manifesté. Mais les partis politiques sont restés muets, sauf le PCF dont la déclaration, scandaleusement, ménage la chèvre et le chou (voir ci- après).
Réellement, rendre hommage à Charles Spinasse est inacceptable, et voici pourquoi :
Membre du Parti socialiste Section française de l’Internationale ouvrière, il fut élu député de la Corrèze en 1924, réélu en 1929, puis en 1936, participant au Front populaire. Léon Blum, avec qui il est personnellement lié, lui confie le nouveau ministère de l’Economie nationale dans le gouvernement qu’il préside : après la guerre, Vincent Auriol, président de la République et lui-même membre du PS-SFIO, écrira qu’au sein de ce gouvernement, le cabinet de Charles Spinasse était un nid de factieux, et l’historienne Annie Lacroix-Riz, dans ses livres Le choix de la défaite et De Munich à Vichy, nous apprend que trois membres de la Cagoule, Edouard Chaux, Alfred Sauvy et Jean Coutrot (de la banque Worms, qui dressait en 1936 un violent réquisitoire contre le parlementarisme) en étaient membres. L’échec du gouvernement de Font populaire se brisant au bout de six mois sur le « Mur d’Argent » était inscrit dans le cabinet de Charles Spinasse.
Pendant que la classe ouvrière impose la semaine de quarante heures, les congés payés et d’autres avancées, Léon Blum déclare la non-intervention qui sacrifie aux fascismes l’Espagne républicaine ; peu après, il déclare qu’il fait une pause dans l’application des réformes sociales ; il amorce ainsi un virage à droite de la direction du PS, de ses ministres et de ses députés, laisse les mains libres à Hitler et permet aux gouvernements Daladier, Raynaud de préparer l’assassinat de la troisième République ; Charles Spinasse suit la nouvelle ligne du PS-SFIO en s’intégrant à la politique munichoise, votant la dissolution du Parti communiste, la déchéance de ses députés ; c’est la ligne que suit le membre du PS et ministre de la justice Sérol en signant un décret promettant de condamner à mort quiconque aura participé à une activité communiste, même si elle ne consistait qu’à tenir un tract communiste dans la main ; la débâcle de juin 1940 ne sépare pas le PS-SFIO de cette ligne : 70 % de ses députés et sénateurs, Charles Spinasse en est, votent l’attribution à Philippe Pétain des pleins pouvoirs grâce auxquels celui-ci abolit la République et proclame l’Etat français, continue et amplifie la chasse policière aux communistes, initie en France la chasse aux Juifs et leur internement, et plus généralement, s’empresse d’aligner toute sa politique sur celle du gouvernement nazi de l’Allemagne ; c’est ce que Pétain appelle « la collaboration », et cela lui vaudra bientôt, dans les rangs de la Résistance, le surnom de « Gauleiter de la France ».
Dans le parcours qui l’a conduit à Munich, puis à Vichy, le PS-SFIO s’est condamné à disparaître : nombre de ses cadres, logiquement, vont servir le Maréchal-Chef Pétain.
Il ne suffit pas à Charles Spinasse d’avoir voté pour la politique de kollaboration : il fonde deux journaux, « L’Effort », et « Le Rouge et le Bleu » ; par leur moyen, il contribue à la kollaboration : il fait toujours équipe avec les Cagoulards et autres membres de la Synarchie, comme lorsqu’il était ministre ! Autour d’Egletons, trois camps de concentration sont édifiés sur des terrains lui appartenant : Soudeille, Auchère et Egletons même. On y interne des communistes, des Espagnols réfugiés, des juifs,... Charles Spinasse n’a jamais protesté contre cette utilisation de ses terres !
Le Parti socialiste SFIO est reconstitué par des militants qui entrent dans la résistance à l’occupant nazi et fasciste, s’engageant dans un combat à mort contre Charles Spinasse et les siens.
Vient la Libération, la défaite des fascismes. Charles Spinasse tombe sous le coup de la condamnation à dix ans d’indignité nationale frappant tous ceux qui avaient voté l’attribution à Pétain des pleins pouvoirs. Arrêté, il n’a pas reçu d’autre condamnation : faut-il le tenir quitte de sa participation au régime pétainiste de trahison nationale, aux crimes commis à Auchères, à Egletons, à Soudeille et ailleurs en application de la politique de Kollaboration ? C’est bien à quoi l’hommage nous invitait, et c’est contre quoi, avec les anciens résistants unanimes, nous sommes intervenus !
Au PCF muté, comment voit-on les choses ?
Sur cette affaire, le PCF et ses élus ont été longs à la détente : sa dénonciation de l’hommage n’est venue qu’après celle d’une quinzaine d’historiens et personnalités, et après celle du Collectif Maquis de Corrèze. Que signifie cette apparente prudence ?
Un conseiller général et une conseillère régionale corréziens du PCF muté, s’expriment dans un style qui atténue les faits, rebaptisant « groupements de travail » les camps de concentrations d’Auchères, d’Egletons et de Soudeilles, et ne retenant contre Charles Spinasse que « le déshonneur de son engagement politique ».
Quant à la fédération de la Corrèze du PCF, elle considère le personnage de Charles Spinasse seulement comme « controversé », et appelle à ne pas « attirer » les divisions (sic ! - mais il y a peut-être une coquille, et c’est peut-être « attiser » qu’ils ont écrit), divisions qu’elle juge susceptibles de gêner le rassemblement de ceux qui voudraient combattre la profonde crise présente.
L’extrême modération des propos des membres du PCF muté jette un voile sur la politique réelle de Charles Spinasse, masquant notamment le fait que cet homme participait délibérément au régime de Philippe Pétain et collaborait activement avec les occupants, le nazi et le fasciste, de notre pays.
Il n’y a absolument aucun doute sur cette politique : elle est inscrite dans les faits historiquement bien établis et bien documentés de la deuxième guerre mondiale et ne donne lieu à nulle controverse : le PCF muté se place sur une position politiquement fondée sur l’ignorance de l’histoire, c’est-à -dire sur une position obscurantiste.
Venons-en à la question des divisions, et posons une question : peut-on, en vue de lutter contre la profonde crise présente, mettre ceux qui continuent la politique de Philippe Pétain et de Charles Spinasse, qui est, c’est le sens du mot « collaboration », la même que celle d’Adolf Hitler et de Benito Mussolini, avec ceux qui ont libéré la France de cette politique, et qui continuent de se réclamer du programme d’action rédigé et édité par le Conseil national de la Résistance ?
Non, on ne le peut pas ! Revenez les pieds sur terre, Messieurs : la crise rapporte gros à ceux qui continuent la politique de Spinasse, Pétain, Hitler et Mussolini, alors qu’elle enfonce toujours plus dans la misère et dans l’oppression politique tous ceux à qui la politique de la Résistance, la mise en Å“uvre du programme du CNR, aurait permis de vivre plus librement, de participer réellement à la direction du pays, de découvrir et de mettre en évidence les solutions durables aux drames que le système capitaliste engendre et renouvelle sans cesse, simplement parce que c’est la manière de rendre les profits privés plus juteux !
Peut-on unir les millions de travailleurs sans cesse volés par l’économie capitaliste à ceux qui les volent et accepter de réaliser la « solution » à la crise que promet cette union de la chèvre et du chou ?
Quant à nous, nous sommes communistes, nous constatons le mal que fait cette illusion à la classe ouvrière et à notre nation tout entière, et nous la combattons pour la faire cesser : nous nous efforçons d’unir les exploités, les travailleurs, les sans-travail, contre les profiteurs directs ou indirects qui les écrasent sous l’exploitation capitaliste : Charles Spinasse comme Philippe Pétain et comme beaucoup d’autres gros bonnets du racisme, était un de ces profiteurs !